Par Jean-Pierre Mbelu | Télécharger la version PDF
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Le débat kongolais fait des pas encourageants. Même s’il semble toujours avoir une guerre de retard. Ces jours-ci, il revient sur les discours tenus à la tribune de l’ONU. Il touche la question de la souveraineté du pays et celle de la diversification de son partenariat stratégique.
Néanmoins, il se laisse distraire par « la com » et vend de temps en temps un »narratif électoraliste » passant à côté d’une quête indispensable pour le moment : la mise sur pied d’un Front des Souverainistes Kongolais (altruistes) à même de s’opposer, sur le temps long, à la guerre pour l’accaparement des terres kongolaise, pour l’extermination des Kongolais(es) et contre sa matière grise. Les médias alternatifs devraient jouer leur rôle en menant une lutte acharnée contre « la com ».
L’un des discours tenu à l’ONU
La marche actuelle du monde éveille de plus en plus les consciences africaines et kongolaises. Les discours tenus par les uns et les autres à la dernière Assemblée générale des Nations Unies alimentent encore les débats sur le Continent-Mère. L’un des discours les plus commentés est celui du premier Ministre malien de la transition. Il a eu tous les meilleurs qualificatifs. Il semble marquer, sur le Continent, une rupture avec le monde d’avant et lancer les bases d’un autre monde possible.
Plusieurs compatriotes africains lisant critiquement ce discours de refondation nationale, continentale et internationale estiment qu’il a eu l’avantage de mettre un accent particulier sur la souveraineté du pays de Modibo Keita, sur la vie à protéger et à sauvegarder partout au monde et de nommer chat chat.
Pour le Mali, ce discours constitue un début d’aboutissement des luttes souveraines passées et présentes liées au désir partagé par le plus grand nombre de Maliens de voir leur pays honorer leurs aïeux gouvernants d’un grand empire ayant magnifier l’humain et sa dignité depuis 1236 à travers la charte du Karukan Fuga.
Prendre appui sur ce passé digne décomplexe les gouvernants maliens de transition vis-à-vis de leurs partenaires bilatéraux et multilatéraux. Cela leur donne l’audace de prendre le risque de tenir un discours de vérité dans le respect de l’humain dans sa diversité. Ils peuvent, dans ce contexte, nouer des partenariats géopolitiques et géostratégiques dans l’unique but d’assumer leur souveraineté, de respecter le principe d’égalité et de réciprocité entre les Etats, d’éviter les interférences des Etats tiers dans leurs affaires intérieures et de poursuivre leur lutte d’autodétermination.
En fait, sur ce point nommé, ils ont rejoint l’un ou l’autre président de l’Occident collectif invitant à la préservation de la charte de l’ONU prônant ces principes. Bien que connaissant le mode opératoire de cet Occident collectif, son goût pour le double discours et le respect des principes à géométrie variable, il a, à haute voix, justifié son aide à l’Ukraine au nom de la sauvegarde de la souveraineté de ce pays.
Il appartient aux pays tenant à son partenariat avec eux de le savoir et de l’inviter à en tenir compte au cours de la lutte qu’ils mènent eux-mêmes pour leur propre souveraineté. Cela lui éviterait, dans le monde qui vient, d’appliquer la politique de « deux poids deux mesures » qui ne pourra que lui être préjudiciable sur le Continent-Mère.
Le Kongo-Kinshasa : un pays désorienté
En effet, sur ce Continent, beaucoup de pays traumatisés par les assassinats des Pères fondateurs de leurs Indépendances et de leur lutte contre le néocolonialisme vivent dans une désorientation existentielle paralysante. Le Kongo-Kinshasa en est un. Il n’est pas rare d’entendre, au cours des débats, des réflexions du genre : « Les partenaires traditionnels ne vont-ils pas nous créer des problèmes si nous diversifions notre partenariat stratégique ? Ne vont-ils pas assassiner celui qui va oser aller dans ce sens-là ? »
Au Kongo-Kinshasa, dans certains milieux, le fait de penser seulement à la diversification du partenariat stratégique provoque la trouille. Néanmoins, le fait est là que ce débat a finalement lieu. Même s’il est encore timide et est assez pauvre en références historiques. Rares sont les débatteurs et les codébatteurs pouvant avoir Lumumba comme recours et la création de »la tricontinentale » comme un moment historique à rééditer. (Lire S. BOUMAMA, La Tricontinentale. Les peuples du tiers-monde à l’assaut du ciel, Paris, Cetim, 2016)
Oui. Ce débat a finalement lieu. Même s’il a plusieurs années de retard. Mieux vaut tard que jamais, dit-on. Et en principe, il devrait participer de la déconstruction d’un certain narratif électoraliste entretenu par « les nègres de maison » fiers de leur état de larbins et d’esclaves volontaires.
Ce débat qui a finalement lieu est malheureusement accompagné de « la com » au cours de laquelle « les nègres de maison », « les nègres de service », « les proxys » des Etats profonds de l’Occident collectif sont présentés comme « les héros de la renaissance kongolaise ». L’histoire politique de ces esclaves volontaires est tue au nom de « la dynamicité du « tshididi », de « la politicaille kongolaise ».
Il est curieux que « les journalistes », « les analystes politiques » et « les autres communicateurs » de « la dernière heure » au pays de Lumumba n’aient pas honte de soutenir publiquement qu’ils font de « la com » en vantant les mérites de l’un ou l’autre de ces politicards kongolais. En d’autres termes, ils sont fiers de vendre »leurs produits » sans tenir compte de leur état réel. Qu’ils soient périmés, avariés ou pas, ce n’est pas leur problème. Ce qui importe pour eux, c’est de »vendre ». Ils vivent du déni du réel prouvant que la marchandisation de la politique est une plaie béante ouverte au coeur de l’Afrique aux dépens de valeurs maatiques que sont la vérité, la justice et la solidarité. Ils enferment leurs auditeurs (et le pays) dans un cercle vicieux au lieu de participer à la production d’un cercle vertueux que ne peut former qu’un Front Commun des Souverainistes Kongolais.
Pour conclure : Front des Souverainistes Kongolais
Dans ce contexte, l’une des questions qui se pose est celle du passage de « la com » à la lutte médiatique pour la constitution d’un Front des Souverainistes Kongolais (altruistes). Pour cause. Bunangana, Bandundu et plusieurs autres coins du Kongo-Kinshasa sont de plus en plus insécurisés. La guerre raciste de basse intensité et de prédation débutée il y a plus de deux décennies se poursuit dans un pays infiltré jusqu’au sommet de l’Etat (raté-manqué), comme dirait Mzee Laurent-Désiré Kabila.
« La com » ne devrait pas distraire les plus éveillés des Kongolais(es). Il leur appartient de prendre le bâton de pèlerin pour qu’ils (elles) aillent vers leurs compatriotes et qu’ils (elles) les convainquent de la nécessité de créer, ici et maintenant, ce Front des Souverainistes Kongolais à partir de la base ; c’est-à-dire à partir des collectifs citoyens connaissant et conscients du danger que court le pays : sa disparition de la carte de l’Afrique. Demain risque d’être trop tard. Les médias alternatifs ont du pain sur la planche.
« La com » se trompe en voulant induire plusieurs compatriotes en erreur lorsqu’elle reprend le narratif officialisé par « les maîtres de l’humanité » au sujet « la guerre ethnique ». Il n’y a pas de « guerre ethnique » au Kongo-Kinshasa. Il y a tout simplement une instrumentalisation des ethnies pour un objectif précis : la déstructuration des intelligences, l’accaparement des terres kongolaises et l’extermination des Kongolais(es) par une « main invisible » avec la complicité de tous « les nègres de maison », « les nègres de service », « les proxys » kongolais et étrangers. Le complot ne date pas d’hier. Celles et ceux qui étudient au quotidien l’histoire du pays le savent.