Par Jean-Pierre Mbelu | Télécharger la version PDF
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En lisant certaines informations publiées sur le Kongo-Kinshasa depuis le début de la guerre raciste de prédation et de basse intensité dont il souffre, il y a lieu de souligner une confusion permanente entretenue entre « l’Occident collectif » des globalistes apatrides et « la communauté internationale ».
Ces globalistes apatrides ont refusé de reconnaître l’indépendance et la souveraineté de plusieurs pays africains dans les années 1960. Une formule utilisée au Kongo-Kinshasa résume ce refus : « Après l’indépendance égale avant l’indépendance ». Raf Custers, dans un article très récent, a compris cela au point de soutenir qu’« Au Congo, seule la colonisation est durable ». Ceci vaut pour plusieurs pays africains où les larbins et les marionnettes jouent le rôle de « gouvernants ».
FMI, BM et les questions essentielles
Pour les maintenir dans cet état colonial et/ou néocolonial, tout est fait pour que les institutions dites internationales leur imposent des conditionnalités favorisant leur exploitation, leur soumission et leur assujettissement. C’est-à-dire que les globalistes apatrides, les oligarchies financières et leurs alliés instrumentalisent ces institutions afin qu’elles servent leurs intérêts et non ceux des pays qu’ils considèrent comme étant des « satellites ». Un exemple ; le Fonds monétaire dit « Internationale » et la Banque dite « Mondiale ». Ils sont utilisés sans frein et sans contrepoids « pour imposer la privatisation des infrastructures mondiales, contrôler les technologies, le pétrole, le gaz, la nourriture, les minéraux, les ressources de base, etc. »
Les pays entretenant la confusion entre « l’Occident collectif » et la « communauté internationale » se soucient plus de « la démocratie », d’être reconnus comme des « démocraties », même si cela signifie profondément leur soumission à l’oligarchie financière globaliste. Ils sont, comme le Kongo-Kinshasa, plus préoccupés par le fétichisme électoraliste et évitent le débat sur les questions essentielles. Ils vivent de la fétichisation des mots et des concepts et éprouvent un plaisir indescriptible à parler de « la communauté internationale », de « vieilles démocraties », de « démocrates », de « l’ONU »,etc.
Les politicards de ces pays, fanatiques du « FMI » et de la « BM » finissent par perdre de vue que dans ce marché de dupes, « il s’agit essentiellement de savoir si les économies seront soumises au pouvoir financier qui s’enrichit en privatisant les infrastructures de base et les services sociaux, ou si les gouvernements auront suffisamment d’indépendance pour promouvoir une politique d’élévation du niveau de vie en maintenant dans les mains du public les activités bancaires, la création monétaire, la santé, l’éducation, les communications et les transports. » Toutes ces questions essentielles passent souvent après « le culte de la personnalité » et la fétichisation de « la communauté internationale ».
Croire que les mots et les concepts dont on ne questionne pas l’usage à travers l’histoire peuvent magiquement produire des effets positifs dans la vie des pays assujettis, telle me semble la difficile équation face à laquelle plusieurs pays africains refusant d’analyser les exemples de l’Algérie, du Mali et du Burkina Faso sont placés. Le Kongo-Kinshasa en fait partie.
Il y a quelques jours, le pays de Lumumba a cru que la parole d’un Young Global Leader pouvait magiquement mettre fin à la guerre raciste de basse intensité et de prédation qu’il subit depuis bientôt trois décennies. Il n’en a pas été question jusqu’à ce jour. Et un groupe de membres du Conseil de sécurité passant par-là a dit clairement que la Monusco n’allait pas du tout s’en prendre aux mercenaires impliqués dans cette guerre.
A la suite du FMI et de la BM, l’ONU
Cela, après ce que « les gouvernants de ce pays » ont dénommé « les efforts diplomatiques ». Ces « efforts » semblent être déployés sans qu’ils ne soient accompagnés suffisamment par « les efforts cognitifs » sur le réel fonctionnement de l’ONU. Voici ce qu’en disait Frantz Fanon dans les années 1960 : « Il n’est pas vrai de dire que l’ONU échoue parce que les causes sont difficiles. En réalité, l’ONU est la carte juridique qu’utilisent les intérêts impérialistes quand la carte de la force échoue. Les partages, les commissions mixtes contrôlées, les mises sous tutelle sont les moyens légaux internationaux de torturer, de briser la volonté d’indépendance des peuples, de cultiver l’anarchie, le banditisme et la misère. »
« Briser la volonté d’indépendance » afin qu’ »avant l’indépendance égale après l’indépendance », mettre le pays sous la tutelle des trans et des multinationales, tel est l’un des objectifs de cette institution dite internationale. Savoir cela aide à comprendre qu’elle soit au Kongo-Kinshasa depuis 1999 et que la mort, l’anarchie, le banditisme et la misère s’y perpétuent. Donc, on pourrait dire que là où « les efforts diplomatiques » ne sont pas accompagnés des « efforts cognitifs », l’histoire se répète.
Voici ce que Susan George dit de cette même ONU en 2014 en traitant du lien qu’elle a établi avec les entreprises transnationales (ETN) : « Les ETN interviennent jusque sur la scène internationale. Non contente d’avoir détourné à leurs profits les fonctions exécutives, législatives et même judiciaires de l’Etat, les transnationales mettent à présent le grappin sur les Nations unies. Cette infiltration ne s’est pas faite clandestinement, mais à l’invitation du Secrétaire général en personne, par l’entremise du Pacte mondial des Nations unies qui sert les ambitions de la classe de Davos : devenir maître du monde.»
Susan George ajoute : « Le Forum économique mondial est bien décidé à reprendre en mains tout ce qui, à ses yeux, fait l’objet d’une gestion défaillante de la part des gouvernements ou des organismes intergouvernementaux, depuis la finance jusqu’au droit maritime. L’organisme autodésigné pour procéder à ce remplacement des gouvernements par des entreprises est plus connus sous le toponyme de Davos et son programme s’intitule, en toute modestie, Initiative de restructuration mondiale. [4]» Avec l’aide de l’ONU et de Davos [5], les ETN ont pour objectif de noyauter les gouvernements et de les supplanter. Elles ont mis « la démocratie en panne » (dans les pays dits de « vieilles démocraties ») en faisant de plusieurs gouvernements leurs appendices et elles développent leur propre approche de la santé et de l’écologie.
Croire aux « efforts diplomatiques » menés dans un « Occident collectif » où les gouvernements deviennent de plus en plus des appendices des ETN ; conjuguer ces « efforts » dans un pays où le réel est dominé par la guerre faite à leur profit (et la résistance des patriotes dissidents et souverainistes), cela risque d’être une pierre de Sisyphe s’ils ne sont pas accompagnés des « efforts cognitifs » conséquents alimentant les luttes pour la souveraineté réelle.
Une petite conclusion
Conjuguer des « efforts diplomatiques » et des « efforts cognitifs » orientés vers la neutralité et le libre choix des partenaires géopolitiques et géostratégiques ayant levé l’option de créer des institutions alternatives à celles soumises aux oligarchies d’argent, aux ETN et à leurs alliés seraient la meilleure hypothèse à approfondir.
Cela pourrait éviter un usage approximatif et/ou abusif des mots et des concepts pouvant conduire à l’impasse au point de croire que le Kongo-Kinshasa est seul dans un monde en pleine multipolarisation.
L’Iran et l’Arabie Saoudite semblent avoir compris cela. Ils ont accepté de se réconcilier en bénéficiant des services d’un « Etat -civilisation ».
Pour rappel, transformer lucidement « des résistants » à la balkanisation et à l’implosion du pays en «réservistes», accorder une attention particulière aux « gardiens des terres ancestrales kongolaises », cela constitue un coup dur assené à la Monusco ; et cela risque de coûter très cher au pays. D’où l’urgence de l’indispensable diversification du partenariat stratégique.